En janvier, alors que nous tournions un reportage sur les violences sexuelles liées à la guerre en Ukraine, nous avons été frappé-es par une chose : les hommes et les femmes que rencontrent ces équipes de psychologues, qui travaillent en lien étroit avec le bureau de la procureure, ne demandent parfois qu’une seule chose : parler.
Parler, parler, parler.
Que le traumatisme soit lié à des violences sexuelles ou pas, les deux Iryna et Vasyl prennent le temps d’écouter ces habitantes (ce ne sont que des femmes dans le cas présent) traumatisées par des semaines d’occupation de leur village par les forces russes et plus généralement par un an d’une invasion à grande échelle qui a bouleversé leur vie.
Merci infiniment à Olga Ivashchenko de nous avoir permis de suivre cette équipe de psychiatres et à Elena Volochine et Daryna Viter pour la traduction
[TW : violences sexuelles liées à un conflit] // See the English version at the end
J’aurais aimé pouvoir vous donner davantage d’éléments de contexte plutôt que de devoir rectifier des modifications apportées au reportage sans mon consentement.
Hélas !
Sans Olga Ivashchenko et Daryna Viter, ce sujet n’existerait pas.
Elles devraient donc être en signature de ce reportage, comme je l’indique systématiquement.
On ne rappellera jamais assez l’importance de ces héros et héroïnes de l’ombre, appelé-es vulgairement « fixeurs-fixeuses », sans qui nous ne pourrions pourtant pas faire grand chose et qui sont, le plus souvent, également journalistes. Merci donc à Olga et Darka pour leur implication à toute épreuve dans ce sujet sur lequel je travaillais depuis de nombreuses semaines
Adel Gastel a aussi contribué à ce reportage difficile, avec ses merveilleux dessins qui permettent de mettre des images sur ce que nous ne pouvons filmer. Merci à lui d’avoir mis son talent au service de ce sujet.
Iryna Didenko, qui apparaît à la fin du reportage, n’est pas la procureure en charge des « crimes de guerre ». Elle est à la tête d’un département spécialisé dans les « crimes sexuels liés à un conflit », comme je l’avais également indiqué.
Tout son travail (et le travail de son bureau) est, précisément, d’enquêter et de constituer des dossiers pour définir ce qui relève du crime de guerre ou ce qui ressort du crime de droit commun (dont certains crimes contre l’humanité — comme la systématisation des viols ou tortures sur parties génitales, font partie).
Et enfin le sujet lui-même (le titre va être changé sur le site, pour correspondre à la réalité) : il s’agit bien d’un angle particulier. Celui des hommes victimes, eux aussi, de violences sexuelles. Avec une dimension propre à tant de conflits : les bourreaux s’assurent que leurs victimes ne pourront plus se reproduire.
Réalisé entre Kyiv et Kherson avec mon collègue de la chaîne anglophone, Luke Shrago.
L’artiste de rue Gamlet Zinkivsky a peint des centaines de murs au cœur de Kharkiv, la deuxième plus grande ville du pays, après le retrait russe en mai.
Avec Luke Shrago et Olga Ivashchenko , il nous a fait faire le tour de quelques unes de ses œuvres, lui qui a transformé les traces de bombes à fragmentation en autant de fleurs… Celui que certains qualifient (sans doute de manière exagérée) de « Banksy ukrainien » aide aussi à collecter plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois pour les civils et les soldats — en vendant son travail aux enchères notamment…
Depuis le 10 octobre, les frappes russes sur l’Ukraine se sont intensifiées.
Les autorités ukrainiennes se sont fixé un objectif : documenter les crimes de guerre (ciblage de civils de la part de Moscou). Un peu partout dans le pays, les bureaux du procureur conservent précieusement tous les fragments de missiles balistiques ou de croisière tombés sur le sol ukrainien.
Nous avons pu accéder à l’un de ses endroits situés quelque part dans la région de Kharkiv. Vous ne verrez aucun plan large car l’endroit est tenu secret.
Il y a quelques mois, je me suis rendue en Islande, une île habituellement connue pour ses glaciers, ses volcans et ses aurores boréales. Mais ce pays est aussi un laboratoire scruté pour son modèle de société et ses institutions démocratiques. Son parlement, fondé en l’an 930, est sans doute l’un des plus anciens au monde. En 2021, il est aussi devenu le plus paritaire d’Europe, avec près de 48% de femmes élues.
Depuis plus d’une décennie, l’Islande est à la tête du rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes publié par le Forum Économique Mondial.
Que fait ce petit pays de 376 000 habitants pour sortir son épingle du jeu ? Mérite-t-il sa réputation de paradis de l’égalité femmes-hommes ? Voyez mon long format pour France 24
Une trêve unilatérale qui n’existe qu’à la télévision russe…
C’est en somme ce que nous avons pu constater avec Luke Shrago et Olga Ivashchenko en nous rendant non loin de Koupiansk, à 2 km de la ligne de front, entre la région de Kharkiv et celle de Louhansk – dans le Donbass.
Là-bas, les forces ukrainiennes n’ont presque pas bougé depuis plus de trois mois, après avoir repris des pans entiers de leur territoire à la Russie en septembre. La région est au cœur de duels d’artillerie intenses qui se sont poursuivis pendant la période du Noël orthodoxe, malgré une prétendue trêve annoncée par la Russie donc.
Depuis plusieurs semaines, le ministère russe de la Défense diffuse des images de centaines de militaires en manœuvre à quelques kilomètres au nord de l’Ukraine. Le Kremlin maintient la pression et veut faire passer un message : ces soldats récemment déployés en Biélorussie peuvent pénétrer sur le territoire ukrainien à tout moment.
Avec Luke Shrago et Olga Ivashchenko, nous sommes allés à la rencontre de soldats de la défense territoriale ukrainienne positionnés à quelques kilomètres de la frontière biélorusse.
Ils sont prêts, nous disent-ils, à repousser l’ennemi si la menace était mise à exécution.
Ce reportage me tenait particulièrement à cœur, alors que le pays entrait dans son 11e mois de guerre. Avec en toile de fond, un danger omniprésent : des frappes de drones ou de missiles russes à répétition depuis le 10 octobre 2022.
Pour certain•es, maintenir un semblant de vie « normale » est devenu primordial pour ne pas se noyer dans la réalité de la guerre.
Avec Luke Shrago et Daryna Viter, nous avons suivi deux habitants de Kyiv qui tentent, coûte que coûte, de préserver leurs passions malgré les coupures de courant à répétition.
Pour le Nouvel An, nous avons passé une partie du réveillon avec Alina et ses deux jeunes enfants, sans leur papa, mobilisé depuis mars. Une famille éclatée au cœur de la guerre, sans aucune volonté de fêter le passage en 2023 tant que les bombes continueront de pleuvoir.
Juste après les avoir laissés, tous les trois ont passé la nuit dans le couloir de leur immeuble, par terre, en attendant qu’une énième attaque aérienne cesse et tandis que le système de défense anti-aérien ukrainien faisait son travail dans un bruit d’explosions traumatisant encore un peu plus une population déjà acculée.
Au lendemain de ce tournage, elle a expliqué à Daryna Viter (la journaliste qui travaille à nos côtés) qu’elle allait changer de quartier et s’éloigner davantage du centre-ville de Kyiv, en espérant y être plus tranquille.
Vœu pieux
Reportage écrit et réalisé avec Luke Shrago et Daryna Viter
Voici un sujet que nous avions vraiment envie de faire avec ma collègue Catherine Norris-Trent
En mars, elle s’était rendue à Saltivka, quartier de Kharkiv bombardé nuit et jour. Avec Roméo Langlois et Achraf Abid, ils y avaient rencontré Ludmyla et Sanya, les rares habitants à être restés malgré tout.
Nous sommes allées les retrouver, 7 mois plus tard, pour prendre de leurs nouvelles, alors que les forces russes ont été repoussées de la région éponyme en septembre dernier.
C’était à la fois infiniment triste et infiniment joyeux.
Le reportage est à retrouver ci-dessous
Reportage écrit et réalisé avec Catherine Norris-Trent et Yurii Shyvala
Images : Mélina Huet (octobre 2022) et Roméo Langlois (mars 2022)
Alors que la contre-offensive ukrainienne se poursuit dans le sud de l’Ukraine, nous nous sommes rendu·es dans la région de Kherson. Dans le village de Mykhaïlivka, repris aux troupes russes début octobre, nous y avons rencontré des habitants qui leur ont fait le récit de sept mois de solidarité et de débrouillardise pendant l’occupation.
Rendez-vous aujourd’hui dans l’est de l’Ukraine, dans un village situé au cœur du Donbass et repris par les troupes ukrainiennes à la mi-septembre. Pendant près de 100 jours, les forces russes ont occupé Sviatohirsk.
Les habitants nous ont confié que certains locaux avaient accueilli favorablement l’arrivée des troupes russes, dans cette communauté connue pour ses liens culturels forts avec la Russie et où les loyautés diffèrent.
Reportage réalisé avec Catherine Norris Trent et Raïd Abu Zaideh