C’est un lieu facilement accessible, où gratuité des services et confidentialité attirent de nombreuses jeunes filles. Au centre de planification du 10e arrondissement de Paris, les mots « avortement», « contraception », « sexualité » ou encore « violence » font partie du quotidien des animatrices.
Article initialement publié sur le CFJ Lab

« Vous êtes là pour des infos sur l’IVG ? ». Réponse négative. Martine, conseillère conjugale, précise : « Normalement c’est un accueil IVG aujourd’hui. Si vous êtes là pour cette raison, je peux vous recevoir toutes les deux pour vous délivrer des informations, et si vous le souhaitez, je vous reverrai individuellement ». La jeune fille, arrivée dès l’ouverture du planning familial, pénètre dans l’un des bureaux, suivie de la conseillère.
À Paris, sur la porte opaque du 2 rue Hittorf (10e), des affiches rappellent aux femmes quels sont leurs droits. « Sexualité, contraception, avortement : un droit, mon choix, notre liberté ».
Catherine El Mghazli tient à ce qu’on la présente comme une « militante féministe ». Elle conseille femmes et jeunes filles depuis quinze ans, mais dans le dixième arrondissement, c’est tout récent : « On a ouvert il y a un an et demi. Le projet a été financé par la mairie de Paris et soutenu par celle du 10e arrondissement »
« Ils filent des tests de grossesse. Gratos »
Les locaux sont soignés. Les murs sentent encore un peu le neuf. Dans un couloir qui fait office de salle d’attente, dix chaises sont alignées. Très vite, elles sont toutes occupées. Uniquement par des adolescentes ou des jeunes femmes. Pourtant, Catherine affirme que le centre accueille tous les âges, même les séniors. « Ce sont souvent des femmes en difficulté qui n’ont pas de sécurité sociale. Et victimes de violences parfois. Souvent même ». Aucune aujourd’hui.
Sira, 17 ans, attend son amie qui vient d’entrer en entretien individuel. Elle insiste : « C’est pas pour moi, c’est pour ma copine ! ». La jeune fille ne connaît pas les missions de ce centre de planification. Pourtant, l’antenne du 10e n’est pas qu’un simple planning, c’est aussi un centre de santé. On peut donc y pratiquer des IVG médicamenteuses. Sira hausse les épaules : « Moi je sais juste qu’ils filent des tests de grossesse gratuitement. C’est pour ça que mon amie est là ».
« Je suis pas enceinte donc tout va bien ! »
Deux jeunes filles entrent en rigolant, emmenant avec elles une forte odeur de cigarette. La première s’inquiète, tout haut : « Ha mais attends ! C’est sur rendez-vous ou pas ? ». Sa compère la rassure : « Nan nan t’inquiète ! ». Les portes s’ouvrent et se referment sans cesse. « Bonjour », « bienvenue », « au revoir », « et n’oublie pas… ». Les allers-retours des jeunes filles entre les toilettes et le bureau de leur conseillère trahissent la raison de leur présence : le test de grossesse.C’est le cas de Julie, la brunette à l’odeur de tabac. Elle a 22 ans, et avait peur d’être enceinte : « J’ai eu un rapport à risque avec mon copain. Je me posais des questions parce que je vomissais un peu le matin. Mais je viens de faire le test et je ne suis pas enceinte. Donc tout va bien ! ». La gratuité, c’est pour cela que Julie a décidé de se déplacer au centre, plutôt que dans une pharmacie ou un supermarché. Et pour les conseils aussi : « Je sais que si j’avais été enceinte, j’aurais eu un accompagnement ». En couple depuis seulement un mois, elle avoue sans complexe qu’elle aurait eu recours à une IVG.
Une campagne pour sensibiliser et informer sur l’avortement
Cet aveu ne va pas de soi. « Le discours sur l’IVG reste culpabilisant », explique Catherine. Elle insiste sur le versant « féministe » du planning, association loi 1901. La militante avoue s’inquiéter du possible recul des libertés acquises dans les années 70. « Il y a des menaces partout, on le voit en Espagne, au Portugal… mais aussi chez nous. L’avortement reste la cible de la religion. De toutes les religions ». Elle insiste : « Faire une IVG, ce n’est pas seulement réservé aux femmes en difficulté financière ou en situation de violence : on doit aussi accepter qu’une femme ne veuille tout simplement pas avoir d’enfants ! ».
À l’occasion de la journée mondiale pour le droit à l’avortement, le 28 septembre, Marisol Touraine a annoncé la création d’un numéro national d’information sur l’IVG (1) et le lancement d’une campagne de communication sur le droit des femmes à disposer de leur corps. En 2012, les députés avaient voté le remboursement à 100% des IVG par l’assurance maladie à toutes les femmes.
1 – 0800 08 11 11 : numéro anonyme et gratuit, ouvert du lundi au samedi (de 9h à 22h le lundi, de 9h à 20h le reste de la semaine)