En ce début d’année 2011, quoi de mieux à célébrer qu’une nouvelle reconnaissance internationale ? Le 24 décembre dernier, l’Afrique du Sud a trouvé une invitation de la Chine au pied de son sapin. Et pas n’importe laquelle : une invitation à rejoindre les BRIC, ce groupe de grands pays émergents associant le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Depuis la fin 2010 donc, les « BRIC » sont désormais dénommés les « BRICS » (BRICA en français).

(image: Wikimedia)
La reconnaissance du géant Africain
En intégrant la première puissance du continent africain – son PIB représente 25% de celui de l’Afrique, 33% de celui de l’Afrique subsaharienne, et 75% de sa région continentale, l’Afrique australe – les pays du BRIC espèrent étendre leur influence sur la scène internationale. Outre un PIB impressionnant pour un pays africain – bien qu’inférieur à un quart de celui de l’Inde – l’Afrique du Sud a réussi un challenge au sein du continent : ouvrir son économie au reste du monde, puisque moins de 20% de ses exportations sont destinées à son propre continent, et attirer de grands groupes industriels étrangers (comme Walmart ou General Motors). Qui plus est, le géant africain est classé 34e au classement Doing Business de la Banque Mondiale ; sa législation libérale fait ainsi de lui un pays favorable aux affaires.
Une bonne nouvelle qui vient s’ajouter à celle déjà excellente (pour la gouvernance politique et économique mondiale du pays) de son entrée au Conseil de Sécurité de l’ONU. L’Afrique du Sud avait en effet obtenu un siège non permanent au sein de l’organe principal des Nations Unies fin 2010, prenant effet cette année et pour une durée de deux ans. Ainsi, en 2011, tous les BRICS seront membres du Conseil de Sécurité puisque la Chine et la Russie y sont membres permanents, que l’Inde a obtenu son siège en même temps que l’Afrique du Sud et le Brésil un an plus tôt.
Un symbole pour l’Afrique du Sud mais un impact sur la gouvernance internationale à limiter
Premièrement il faut rappeler que l’expression « BRIC », loin d’être un terme imaginé puis adopté par une institution telle que les Nations Unies ou encore l’OMC, n’est autre qu’une invention de Jim O’Neil, expert en chef du groupe Goldman Sachs, qui l’a utilisée pour la première fois en 2001 – une expression donc très récente.
C’est par la suite que le concept de BRIC est devenu une réalité politique. Si l’expression a rapidement fait partie du vocabulaire courant des milieux économiques et financiers, ce n’est qu’en 2009 que les dirigeants politiques du BRIC ont convenu d’organiser leur premier sommet ! Un article intitulé Derrière les beaux chiffres du BRIC, publié le 2 novembre 2010 surlapresseaffaires.cyberpresse.ca, ne manque pas de rappeler que «le BRIC demeure une créature floue. Ce n’est pas (du moins pas encore) une organisation internationale structurée, on peut à peine parler d’association ».
« Sur les plans culturel, politique, économique et social, on peut difficilement imaginer partenaires plus mal assortis » souligne encore le site canadien. Il est vrai que l’on trouve de tout dans ces cinq pays: l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil tiennent des élections libres alors que la Chine et la Russie ne font pas grand cas des droits humains ; et ce n’est qu’un des nombreux exemples de ce en quoi ils diffèrent politiquement (pis encore économiquement).
Une combinaison qui laisse songeur
Si l’on s’y attarde réellement, les cinq pays n’ont en fait que deux choses en commun. La première, c’est que ce sont des économies émergentes bien entendu. La seconde, c’est qu’ils sont largement touchés par la corruption. Selon le dernier classement de Transparency International du 26 octobre 2010, qui fait autorité en la matière, l’Afrique du Sud est classé 54e sur 178 pays étudiés au palmarès de la corruption, le Brésil 69e. Et l’Afrique du Sud est le pays moins corrompu du groupe ! La Chine arrive au 78e rang, l’Inde au 87e, et la Russie figure parmi les pires de la planète avec la 154e place.
Malgré la rapide croissance économique des BRICS, les inégalités subsistent et sont accentuées du fait de la crise, par laquelle l’Afrique du Sud a été durement touchée. Et si, selon le FMI, ces cinq pays devraient représenter 61% de la croissance mondiale à l’orée de 2014, il faut garder en mémoire que cette croissance spectaculaire au XXIe siècle n’est autre que la traduction d’un retard pris sur les pays ayant connu leur révolution industrielle au XIXe siècle.
Mélina Huet – publié sur www.lepetitjournal.com/johannesbourg.html – le lundi 10 janvier 2010