En Décembre dernier, une série de quatre articles du petitjournal.com vous a permis d’en apprendre un peu plus sur les entraves à la liberté de la presse en Afrique du Sud. L’actualité nous permet de rebondir aujourd’hui sur ce sujet puisqu’en ce début d’année 2011, l’ANC a renoncé à laisser le Parlement examiner le projet de loi « pour la protection de l’information ». Retour sur deux épisodes qui ont soulevé l’indignation des citoyens

Protestations contre le projet de loi - Right2Know
(Crédit photo: Demotix) (Illustrations plus bas: Mélina Huet)
Le projet de loi pour « la protection de l’information » date en fait d’il y a plus de six mois, lorsque l’ANC a décidé que certaines informations divulguées au grand public pouvaient être «dangereuses pour l’intérêt national» . Une expression floue qui arrange le parti au pouvoir, car elle lui permet de décider en toute subjectivité des informations à censurer. Si l’annonce du projet de loi a provoqué l’indignation chez une majorité de Sud-Africains, qui ne veulent pas voir instaurer un nouveau système de censure dix-sept ans après la fin de l’Apartheid, les vagues n’ont pas fait pas reculer l’ANC, qui a en octobre fait un pas de plus vers la censure.
Un Tribunal des Médias et une peine lourde pour les « coupables »
Le 16 octobre 2010, les patrons de presse rencontrent des représentants du gouvernement, dont le vice-président Khalema Mothlante, pour évoquer la création d’un Tribunal des Médias, dirigé par le Parlement. Un tribunal qui permettrait dès sa création de juger les journalistes qui « feraient mal leur travail ». La publication d’informations menaçant l’ « intérêt national » – toujours cette expression commode – serait alors passible d’une peine de 25 ans de prison. Des propositions de lois visant à réglementer les médias que « l’on n’a pas vues depuis la fin de l’apartheid », rapportent le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et l’Institut international de la presse (IIP).
Une nouvelle qui, loin de réjouir, a entraîné la réaction en chaîne de nombreuses coalitions défendant la liberté de la presse. La plus puissante, Right2Know (Right to know : droit de savoir), a réussi à réunir près de 400 organisations de la société civile et 10.000 individus, à travers une pétition présentée au Parlement le mois suivant. En accompagnant ce document immatériel de manifestations dans les rues, elles bien réelles, la campagne « Droit de savoir » a réussi à faire de cette protestation l’une des plus importantes mobilisations contre un projet de loi depuis la fin de l’apartheid ; et c’est finalement sous la pression de l’opinion publique que le parti de Jacob Zuma a changé d’avis en ce mois de janvier.
Le système d’autorégulation actuellement en place restera donc inchangé pour quelques mois au moins. Un système qui ne fait cependant pas l’unanimité, puisque la personne en charge de régler les litiges est un simple médiateur volontaire, qui décide ou non si le journal est dans l’erreur. Si tel est le cas, le média doit publier un rectificatif et des excuses.
Mélina Huet – publié sur le http://www.lepetitjournal.com/johannesbourg.html – le mercredi 19 janvier 2011
Voir notre dossier « Pression sur la presse » : 1ère partie – 2ème partie – 3ème partie – 4ème partie