Hausse d’impôts, taxation, dévalorisation des statuts : depuis quelques semaines déjà, la grogne monte chez les entrepreneurs français. Après le dépôt du projet de Loi de finances (PLF) 2013 du gouvernement, un mouvement de protestation, impulsé par quelques entrepreneurs, s’organise sur la toile. Retour sur ces pigeons qui ne comptent pas faire le printemps dans ces conditions.
Arnaud Mourot, Patron d’Ashoka France/Europe et Arnaud Poissonnier, fondateur de Babyloan, entrepreneurs sociaux, exprimaient hier sur un blog du Figaro leur grogne face au PLF 2013 : « En annonçant sa volonté d’aligner la fiscalité des plus values de cession d’entreprise sur le régime des revenus du travail, le gouvernement donne aujourd’hui un signal fort sur ce qu’il attend des créateurs d’entreprise en France : de l’impôt ! ». Et de critiquer une certaine spécificité française, faisant davantage de l’entrepreneur un contribuable nanti qu’un créateur de richesses, qu’un combattant du chômage. Ces deux contestataires s’expriment donc logiquement en faveur du mouvement des pigeons.
« We are pigeons » : kesako ?
Le déclencheur de la fronde est un billet de Jean-David Chamboredon intitulé « Une loi de finances anti-start-up », publié vendredi 28 sur le site de La Tribune. Dans ce pamphlet au gouvernement, le directeur du fonds d’investissement ISAI explique que l’alignement de l’imposition des revenus du capital sur ceux du travail, s’il devait être entériné dans le cadre de la loi de finances 2013, plomberait les PME de croissance. Un cri de révolte qui trouve immédiatement écho sur Facebook, Twitter, LinkedIn et autres réseaux sociaux, essentiellement auprès d’entrepreneurs du Web ou sociaux. Cette protestation donne, en l’espace de quelques heures seulement, naissance au mouvement de protestation des « Pigeons ». Bien que souhaitant rester anonymes (« Nous ne recherchons AUCUNE notoriété individuelle et ceux qui agissent sur cette page ne le font qu’en tant que Community Managers au service du collectif » explique le manifeste), un article de La Tribune identifie rapidement les quatre organisateurs de cette fronde immatérielle : Jeremy Benmoussa de Up2Social, Fabien Cohen de Whoozer, Tatiana Jama Gomplewicz de Living Social et Ruben Nataf de 10 Days in Paris.
Le mouvement des pigeons se crée dès lors un site Internet : defensepigeons.org, très relayé sur Twitter, où le « hashtag » (mot-clé ajouté à un tweet) #geonpi a été plusieurs fois parmi les plus populaires en France. En parallèle, des centaines d’utilisateurs de Facebook ou Twitter remplaçaient leur photo de profil par celle d’un pigeon. Du 28 septembre (naissance du mouvement) au 3 octobre, @defensepigeons a attiré plus de 6 000 abonnés et 32 000 internautes ont cliqué sur le bouton « J’aime » sur Facebook. Une manifestation était prévue dimanche 7 octobre à 15 heures devant l’Assemblée nationale mais a été annulée hier par le mouvement lui-même, dans un message adressé à l’AFP.
« Une caricature d’homo oeconomicus! »
Un mouvement qui divise pourtant les entrepreneurs
Cet élan de protestation a en effet suscité quelques ripostes, de la part des premiers concernés. Certains entrepreneurs n’hésitent pas à crier au poujadisme et ont désiré se démarquer de « cette caricature d’homo-economicus mu par le désir de minimiser ses impôts ou de faire une plus-value spéculative en quelques années », dans une tribune publiée par Libération. Les commentaires vont bon train en bas des articles vantant le mouvement : « Je suis assez étonné de lire cet article, qui amalgame pas mal de choses et encore plus étonné de voir des tenants de l’entrepreneuriat social s’amalgamer (sic) à un mouvement qui me semble bien éloigné de nos valeurs, de nos pratiques et, disons-le, de la réalité » peut-on ainsi lire sous un article du Figaro.
Le 4 octobre, au matin, le message des Pigeons semble pourtant avoir atteint son destinataire. Face à la fronde des « Geonpi » l’Elysée serait prêt à faire marche arrière, et préparerait déjà des aménagements selon des sources citées ce matin par Les Echos : l’Elysée « regarde avec Bercy, Matignon et le ministère à l’Economie numérique des solutions qui permettront de revenir à la situation antérieure ». Des informations timidement confirmées par Pierre Moscovici ce matin, invité sur le plateau de France Inter : « J’espère sincèrement que cet après-midi, la question sera derrière nous, au sens où elle aura trouvé une solution positive et qui satisfait chacun », a-t-il dit, alors qu’il doit recevoir les organisations patronales, dont la CGPME, ainsi que l’Association française des éditeurs de logiciels (Afdel).
Mélina Huet
Actualité chaude : lisez l’article des Echos publié ce jeudi soir → Plus-values : les créateurs d’entreprise épargnés
Les pigeons se font entendre (05/10/12) ↓
Une réflexion au sujet de « Entrepreneuriat– La révolte des pigeons »