Lundi matin se tenait le conseil municipal de Marseille, où ses membres se réunissaient pour la cinquième fois cette année, afin de « régler les affaires de la commune » (‘débattre de’ serait plus adéquat). Au milieu des quatre heures de tergiversations sur trois-cents délibérations – certaines plus assommantes que d’autres – un plaidoyer a particulièrement retenu l’attention de l’assemblée, moi incluse.
C’est celui de Christophe Masse, membre du PS, qui a extirpé maints conseillers municipaux d’une narcose coutumière aux hémicycles. Le long encensement des mesures décidées par Jean-Marc Ayrault pour rétablir le calme dans la cité phocéenne s’accompagnait ainsi d’une fustigation proprette des médias. Disons plutôt : du traitement médiatique de l’actualité marseillaise. « Les médias sont avides de nous salir », s’exprimait-il, sous l’approbation quasi unanime de la salle. Au-delà des idéologies, c’est en effet et sans nul doute le seul point qui a rassemblé tous les conseillers municipaux en quatre heures de discussion: le tumulte médiatique doit cesser.
« Marseille n’est pas en état de siège »
Jean-Claude Gaudin s’était déjà énervé le 29 septembre, après que l’évacuation d’un campement de Roms par des riverains avait provoqué un emballement médiatique : « Marseille n’est pas en état de siège. C’est une ville où on travaille, une ville où on se promène, où la police va partout. La parade médiatique doit s’arrêter! ». Facile en effet de tomber dans la caricature, a fortiori assis derrière un bureau dans le 10e arrondissement… de Paris. L’on se souvient notamment de la une de l’hebdomadaire Marianne, le 15 septembre dernier, illustrant à merveille la simplification d’une situation complexe, où la photographie d’un instant t n’a pourtant pas sa place. Le magazine titrait ainsi sobrement : « Marseille : territoire perdu de la République » et amoncelait ici et là quelques mots-clés savamment bien choisis pour effrayer autant qu’attirer un lecteur désormais au fait (ou croyant l’être) de la situation désastreuse d’une cité perdue : « délinquance, chômage, pauvreté, corruption », sous-titré d’un aussi mesuré « Comment on en est arrivé là ». Croustillant à souhait, n’est-ce pas ?
Vite ! redevenir la « Grande Oubliée » !
Le problème, c’est que ce « territoire perdu », non content d’être la deuxième ville de France, est aussi son premier port (le quatrième européen), le deuxième pôle de recherche publique de l’hexagone, mais aussi et entre autres, la future capitale européenne de la culture. Si Christophe Masse rappelle qu’il « ne faut pas vivre dans le monde des Bisounours » et que « la violence est toujours un problème », il souligne l’effet dévastateur que la couverture médiatique de la ville aurait sur les nombreux partenaires privés et les investisseurs, à l’heure où la crise laisse déjà des traces indélébiles sur l’économie de la cité phocéenne : « ce sont des dizaines de contrats déjà perdus et des millions d’euros qui vont avec ». Martine Vassal, dixième adjointe au maire, chargée de la qualité de la ville, en profite pour s’exprimer : « [les médias] utilise[nt] des termes scandaleux pour attiser un feu qui n’existe pas ».
« M. le maire, a conclu C. Masse, je vous ai entendu dire longtemps que Marseille était la Grande Oubliée de la République. Je ne le crois pas ». Et le regard de J.-C. Gaudin d’exprimer presque lisiblement : « si seulement… ». A défaut d’obtenir une bonne publicité, la cité aimerait peut-être se faire oublier, juste le temps de respirer…
Mélina Huet
Allez viens! On est bien!
Ô toi l’ami, si tu es avide de sensations, va à Marseille, « l’endroit d’Europe le plus dangereux pour être jeune » (C’est pas moi qui le dis : c’est Slate).
Sinon, et bien… il y a Marie-Claire qui dit que, Marseille, c’est cool (oui, c’est Marie-Claire. Mais des fois vaut mieux s’appeler Marie-Claire que Marianne…)
Image à la une: pygment_shots (cc via Flickr)