La programmation de la Fiesta des Suds n’a pas dérogé à la règle pour sa 21e édition : exotisme, hétéroclisme et éclectisme étaient de mise. Parmi les artistes présents à l’inauguration : le cubain Ernesto Tito Puentes, Mexican Institute of Sound ou encore le marseillais Shurik’n, membre du groupe IAM. Mais la superstar du rock balkanique fut sans conteste le musicien le plus acclamé chez les festivaliers.

Goran Bregović, ce « génie des Balkans » comme il est souvent surnommé, est surtout connu pour ses musiques de films : « Arizona Dream », « Le Temps des Gitans » ou « La Reine Margot » sont autant de chefs-d’œuvre qui ont rendu l’artiste célèbre. Mais l’on oublie parfois que Bregović, c’est aussi 14 albums en plus de ceux consacrés au cinéma, dont un paru le 24 septembre dernier.
C’est en effet pour promouvoir « Champagne for Gypsies » que se produit en ce

moment l’artiste un peu partout en Europe. Mais c’est pour rendre hommage à la culture tsigane que le musicien a initialement composé cet album. Quel meilleur endroit que la France pour montrer son respect envers une population stigmatisée, qui fait régulièrement la une des journaux de l’hexagone ?
C’est ce qu’expliquait le Serbo-Croate vendredi sur France info, quelques heures avant l’inauguration de la Fiesta des suds : à travers la musique se présente l’occasion de s’engager, mais sans aucune agressivité et toujours de façon festive. « Un pays qui expulse les Roms, ce n’est pas la France selon moi. En tout cas ce n’est pas ma France, celle des droits de l’homme » explique-t-il. En livrant ses vues politiques, l’artiste ne manque pas de rendre hommage aux Gipsy Kings, un respect renouvelé le soir même lorsque le groupe montera sur scène pour partager deux chansons, sous les cris endiablés du public. L’artiste aura droit à des applaudissement ininterrompus à la fin de sa prestation et se livrera avec plaisir à cinq rappels, faisant la joie des festivaliers dansant sous le chapiteau.

« Cet album rend hommage à tous nos musiciens Gitans favoris, qui ont profondément marqué de leur empreinte la culture mondiale. Les Gitans ne sont pas un problème, ils sont un des talents de ce monde ! Je souhaite saluer ce talent qui a inspiré tant de compositeurs à travers les siècles. » (extrait de la description de son dernier album)

Son succès, à partir des années 1980 et surtout 1990, a contribué à susciter l’intérêt pour la musique balkanique en Europe de l’Ouest. Sa musique frénétique devait permettre d’approcher la problématique « des minorités, des gitans, des Roms sans faire de débats ou de discours », estimait dans la même émission radio Bernard Aubert, directeur artistique de la Fiesta.
Après deux heures de concert sur des rythmes endiablés, il était en effet légitime de s’arrêter quelques instants pour s’interroger: faire danser un public français sur de la musique gitane, un public converti, n’est-ce finalement pas mettre notre pays face à ses propres contradictions ?
Mélina Huet